Guillaumin Emile : « La vie d’un simple ».

Compte rendu du livre.

Particularités de l’auteur.

Comme l’indique la collection Jean Maîtron, Dictionnaire bibliographique du mouvement ouvrier français, dans le tome 31 pages 997 et 998, GUILLAUMIN Emile fut à la fois « Ecrivain-paysan (romancier) : militant syndicaliste. »

Né le 10 novembre 1878 à Neverdière commune d’Ygrande dans l’Allier, il y mourut le 27 septembre 1951.

Dans son roman La vie d’un simple une large part y est autobiographique et raconte sa vie de paysan.

Il écrivit plusieurs romans et de 1905 à 1912 se joignit au « mouvement syndical des métayers du Bourbonnais que venait de lancer un jeune paysan Michel BERNARD. »

Il fut de tendance réformiste et condamna fermement les thèses révolutionnaires de la CGT d’alors. Il fut également élu municipal dans sa commune.

Il écrivit beaucoup sur les journaux de la CGT tout en continuant sa production de romans et son métier de paysan.

Après la première guerre mondiale, ne pouvant plus vivre uniquement du travail de sa modeste ferme, il choisit, pour compléter ses revenus, le journalisme.

Il suivit avec sympathie « la naissance d’un mouvement de petits exploitants agricoles, la Confédération nationale paysanne, fondée en 1933 dans l’orbite de la SFIO et lui adressa ses encouragements. »

Une vie qui conjugue l’amour et le travail de sa terre natale, un engagement original de syndicaliste à la CGT, une production romancière et un travail d’écriture au travers du journalisme

Compte rendu du livre, La vie d’un simple.

C’est dans un style sobre, simple, dépourvu de tout misérabilisme et de commisération que Emile Guillaumin raconte la vie de son voisin le père Tiennon.

Au cours de fréquentes rencontres le père Tiennon confie à l’auteur de nombreux épisodes de sa vie. L’auteur propose à l’intéressé d’écrire un livre sur sa vie.

Après s’être interrogé sur l’utilité d’un tel écrit, il accepte cette « confession générale » voulu par l’écrivain. Il se prête de bonne grâce aux différentes lectures de l’auteur et si nécessaire apporte des retouches pour se rapprocher de la réalité qu’elle soit bonne ou mauvaise.

Le père Tiennon fils de métayer, métayer lui-même et père de métayers raconte sa vie qui traverse le monde paysan du Bourbonnais tout au long du XIXème siècle.

Il fait part de ses difficultés, de ses peines et de ses joies.

Il insiste tout au long du livre sur la dureté du travail pour les métayers. Levé tôt, couché tard, il doit assurer tous les travaux de la ferme qu’il entretient et doit développer pour son maître. C’est à la fois les cultures, l’élevage des bœufs, des moutons, des cochons, des volailles et l’entretien du potager.

Il est avec sa famille responsable de la vente au bourg voisin des différents produits de la ferme (lait, beurre, volailles, cochons, moutons et vaches). Mais cela se fait sous le contrôle souvent pesant de son maître-propriétaire.

Un travail qui nécessite une présence permanente, sans quasiment de repos, avec selon les saisons des journées de travail ne permettant de dormir que trois heures par nuit. La seule saison où le métayer peut dormir correctement c’est l’hiver.

La terre a besoin d’attention mais le bétail est l’objet de soins quotidiens.

Dans les terres du Bourbonnais on commence à travailler très jeune, le père Tiennon dès quatre ans accompagne sa sœur pour garder le troupeau de mouton. Jusqu’à sa mort, sauf s’il est invalide en fin de vie, le métayer doit aider aux différents travaux de la ferme.

Tout au long de sa vie une certaine progression « hiérarchique » ou plutôt une spécialisation se précise en fonction de l’âge. De la garde des mouton, puis aux cochons, pour arriver dès quinze ans à l’âge adulte où il peut accomplir tous les travaux.

A noter en plus de la dureté du travail, la rudesse liée au froid, car l’habillement est sommaire et inadapté aux rigueurs climatiques.

Il souligne aussi un habitat constitué en majeure partie d’une pièce commune. On mange, vit et dort ensemble avec de grandes familles dans cette seule pièce.

L’anecdote du décès de la grand-mère conservé dans la même pièce est significative.

Il est même dit les « bêtes sont mieux logées car elles rapportent ». Cela traduit bien l’égard que peut porter le maître aux gens qu’il emploie.

Les vexations sont multiples. Avec tout d’abord l’accord de métayage passé entre les deux parties qui concerne aussi bien le niveau financier que la répartition en nature. Tout au long du bail le maître vole son métayer et celui-ci a peu de chose à dire. Il est en permanence au service exclusif du propriétaire et subit ses caprices.

Mais dans ce livre deux exemples semblent révélateurs des relations entre les deux parties. Celui du maître qui ne voulant se souvenir des prénoms appelle son personnel « chose », « la chose » lorsqu’il s’agit d’une femme. L’autre qui lors d’un différent indique « les métayers sont comme les domestiques : avec le temps ils prennent trop de hardiesse ; il est nécessaire de la changer de loin en loin ».

La tutelle ne s’exerce pas que sur l’activité économique, le maître contrôle au fil du temps les idées politiques et les pratiques religieuses de ses « sujets ».

Il refuse, jusqu’à la IIIème République, que l’instruction soit dispensée aux enfants de métayers.

Une vie longue et éprouvante marquée par une forte solidarité familiale. Personnes n’est laissé sur le côté lors de difficultés, enfants, beaux enfants, nièces, neveux et grands-parents. C’est une cellule familiale qui permet de traverser l’ensemble des difficultés au cours du temps.

C’est aussi avec la famille que l’on organise des fêtes qui sont l’occasion de rencontres et de ripailles. Car l’ordinaire, au niveau alimentaire, est toujours réduit au strict minimum. La viande est une denrée peu utilisée à l’exception des grandes fêtes religieuses ou familiales qui rythmes la vie d’un métairie.

Cette vie familiale s’organise aussi autour des enfants qui vont au fil du temps inscrire dans les travaux de la ferme. Il faut à la fois les éduquer et leur apprendre le travail agricole. La seule hantise c’est lors du tirage au sort pour le service militaire d’avoir suffisamment d’argent pour acheter le non départ de l’aîné ou des plus âgés. La disparition de bras serait dramatique.

Mais au cours de sa vie le père Tiennon voit partir de sa famille à la guerre de 1870. La correspondance avec ses enfants qui ne savent ni lire, ni écrire, est souvent aléatoire et suspendu, pour l’écriture comme pour la lecture, au bon vouloir d’un autre.

Le père Tiennon décide pour ses vingt-trois ans de s’installer à son compte et de former un nouveau foyer. Il nous raconte les difficultés et les joies liées à cette aventure.

Jusqu’à soixante-dix-sept ans il s’occupera de terres et d’animaux avant de demander à ses enfants de l’accueillir. Mais tout au long du livre, le métayer nous fait part de sa joie du travail bien fait et il s’identifie à sa terre.

Les progrès agricoles arrivent lentement dans le Bourbonnais. Ils sont peu à peu acceptés malgré les réticences des une et des autres. Mais en l’occurrence le dernier mot pour la décision reste au maître.

Dans le domaine des évolutions techniques plus générales le père Tiennon voit petit à petit les chemins se transformer en routes. La carriole fait son apparition et réduit les déplacements à pieds. Bien plus tard il voit arriver le chemin de fer avec toutes les inquiétudes liées à cette arrivée surtout pour les animaux, les vaches en particulier. Et sur la fin de ses jours, il découvre l’automobile.

Malgré ces progrès, le père Tiennon voyage peu, il connaît juste deux cantons. Ce qu’il lui est nécessaire pour ses activités et échanges agricoles.

La vie politique et sociale arrive aussi très lentement dans les campagnes. La principale difficulté pour lui et ses congénères c’est qu’ils ne savent pas lire et écrire. C’est grâce à quelques personnes, un ancien maître d’école en particulier, qu’il apprend les nouvelles comme la révolution de 1848. Il participe aux élections de ce temps là et après des hésitations et les pressions du curé, il vote Républicains. Ce qui motive son choix c’est que la République a baissé le prix de la livre de sel de six à deux sous.

La lutte est rude entre les bourgeois et les républicains. Il s’engage peu même s’il s’intéresse à l’évolution politique. Il connaîtra la IIIème République et verra un de ses neveux qu’il héberge, aller à l’école publique. Il participera même vers la fin de ses jours à une réunion électorale avec un candidat socialiste, un « partageux ».

Comme d’autre il constatera que les rouges d’hier se sont, au fil du temps, transformé en tièdes et souvent aussi exploiteurs que les autres.

Une vie dure mais où l’amusement trouve une petite place surtout le dimanche après midi dans les prés ou lors de veillées en hiver : filles et garçons peuvent danser, se rencontrer et plus tard se marier.

Dans plusieurs paragraphes le père Tiennon nous fait part de ses aventure, de ses amours et de ses liaisons avec son épouse Voisine.

Il nous signale aussi l’opposition existante entre les jeunes du bourg et ceux des fermes. Une sorte de rivalité qui est connue entre les villes et la campagne. Cela lui vaut, lors d’une bagarre de connaître l’enquête de gendarmerie et sa présentation au tribunal de la ville où il est d’ailleurs condamné.

Sur ses vieux jours, il reste toujours attaché à la terre, aux paysages qui l’entourent et à son travail de métayer. Il égrène avec nostalgie ses décennies de dur labeur et ne regrette rien.

Il n’a pas peur de la mort, sa seule hantise est de finir invalide et à la charge de ses enfants.

C’est un roman émouvant qui décrit avec précision la vie qu’avaient les gens simples de la terres. Dans ce XIXème siècle où une grande majorité de la population vivait à la campagne, ce livre est riche d’enseignements. A la fois sur la manière de vivre, de penser, d’évoluer et de comprendre cet amour unissant les hommes et leur terre. La solidarité familiale en particulier est un ciment solide pour ces familles connaissant faim, froid et exploitation de la part des maîtres. Les aspects positifs de la vie y sont aussi exposées comme un rayon de joie dans un monde austère.



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