Les Templiers
C’est un ordre militaire religieux créé en 1119-1120. Deux hommes sont à l’origine de cette création, Hugues de Payns et Godefroy de Saint Omer qui en seront les « chefs ». Cet ordre se nomme Ordre de la milice du Temple et son premier grand maître en sera Hugues de Payns.
C’est l’appel à la croisade pour la reconquête des lieux saints – dont Jérusalem – du pape Urbain II, à Clermont Ferrand en 1095, qui va accélérer la mise en place d’ordres militaires religieux les Hospitaliers et les Templiers.
Au départ, ils seront neufs chevaliers à l’ordre de la milice du Temple. Cette milice se dote d’une règle adoptée au concile de Troyes en 1129 avec trois idées fondamentales :
Tout d’abord l’ordre est né de la volonté de renoncement au monde de quelques chevaliers. Ceux-ci ont accompli une démarche religieuse.
Cette initiative revient à deux hommes dont Hugues de Payns, le premier grand maître.
Et enfin, sa création correspond tout à fait aux vœux des autorités religieuses et laïcs du royaume de Jérusalem.
C’est un ordre militaire qui unit l’idéal du moine à celui du chevalier. Il a comme objectif d’assurer la protection des lieux saints et des pèlerins qui en empruntent les routes. Il doit aussi combattre l’infidèle. Mais ces chevaliers du Temple doivent résoudre la contradiction « tu ne tueras point ». Ils vont combattre pour la foi et tuer des infidèles. Donc la guerre sainte est, pour eux, une guerre juste car elle procure la paix. Il y aura huit croisades entre 1096 et 1270 et Jérusalem sera conquise en 1099.
Les différentes conquêtes de villes et de territoires vont permettre la création de 4 états d’Orient :
La principauté d’Antioche
Le comté d’Édesse
Le royaume de Jérusalem
Le comté de Tripoli.
Au fur et à mesure de cette extension le nombre de templiers va croître. Aussi bien en nombre qu’en prestige car les chevaliers du Temple apparaissent comme des chevaliers courageux.
Il est estimé qu’entre 1097 et 1127 près de la moitié des chevaliers de France, soit plusieurs dizaines de milliers d’individus, vont combattre les musulmans en Espagne ou en Terre Sainte. Cela va fournir une main d’œuvre aux templiers dont les effectifs vont croître rapidement. Ceux qui ne peuvent pas participer à la lutte font des dons à l’ordre, souvent en biens fonciers, ce qui va donner plus de puissance économique et financière au Temple et accroître le prestige du moine soldat.
Le nom du Temple apparait quand le roi de Jérusalem, Baudouin, attribue aux chevaliers un domicile dans son palais « près du Temple du Seigneur ». Toute l’organisation faite pour combattre au nom de Dieu, à l’intérieur du Temple, se « retrouve dans le schéma trifonctionnel de la société féodale ». D’abord les chevaliers puis les sergents qui font vœux d’obéissance, de chasteté, de pauvreté et de fidélité à la règle. Ensuite ceux qui travaillent, les frères de métiers.
Les templiers obtiennent du pape Eugène III en 1147 le droit de porter la croix en permanence. Ils portent la croix rouge qui symbolise le martyr du Christ mais qui est aussi le symbole de la vie. La croix est simple, le plus souvent ancrée ou pattée, avec huit pointes et elle est portée sur un manteau blanc signifiant pureté et chasteté. Les Templiers sont reconnus ce qui ajoute à leur prestige et à leur autorité. Autour du grand maître de l’ordre se trouve un chapitre ou conseil composé uniquement de nobles. Le grand maître est toujours entouré de deux chevaliers qui assurent conseil et contrôle. Mais il y a d’autres dignitaires permettant le bon fonctionnement de l’ordre :
Le sénéchal qui remplace le maitre en cas d’absence.
Le maréchal qui veille à la discipline, supervise et s’assure de l’entretien des bêtes, du matériel et des armes. Il s’occupe aussi de faire les achats indispensables.
Le commandeur de la terre du royaume qui surveille tout le trafic de l’ordre dans les ports mais aussi répartit les templiers dans les différentes maisons et forteresses. Il commande le drapier qui est l’intendant de l’ordre et qui fournit vêtements et matériel de campagne.
Le commandeur de la cité de Jérusalem qui a pour mission d’assurer la protection des pèlerins.
Il existe aussi une hiérarchie chez les sergents. Cette armée est également composée de turcopoles provenant d’un « recrutement exclusivement local, qui combattent à la turque, c’est-à-dire à cheval avec un arc ».
Le Temple compte ses propres chapelains tant en Orient qu’en Occident. Le réseau templier est divisé en provinces. Mais la présence des Francs reste faible en Orient, jamais plus de 150 000 personnes. Par exemple pour la défense de Jérusalem, il y a 600 chevaliers et 600 chevaliers des ordres militaires religieux à cela s’ajoutent les sergents et les auxiliaires. Ce qui est très insuffisant pour défendre la cité. Aussi lorsqu’ils rencontrent des difficultés en Terre Sainte, ils font appel aux croisés. Mais ces troupes d’appoint sont souvent indisciplinées et sans véritable expérience de terrain et, souvent, du combat.
Le bon fonctionnement de l’ordre repose sur l’aide des commanderies. Elles maillent tout le territoire, au cœur des domaines mais aussi le long des voies de circulation. Le nombre de commanderies templières en Europe est estimé à 300. Elles occupent parfois un territoire considérable comme par exemple celle du Larzac. Celle-ci, après plusieurs dons et après différentes extensions avoisine les 1 000 kilomètres carré soit 100 000 hectares. C’est la plus vaste de France. Une commanderie est constituée lorsqu’un lot de terre est suffisant et permet de dégager des surplus utilisables par l’ordre en Terre Sainte. Les templiers gèrent eux même leurs exploitations pour mieux suivre la production et les exportations. Ils ont considérablement innové et investi dans le secteur agricole avec l’irrigation par exemple et ils pratiquent le remembrement. On leur prête la création et la promotion du Roquefort. Les commanderies deviennent rapidement des centres de la vie économique, des lieux de prières, des refuges, des lieux de soins mais aussi des lieux de protection des voies de communications et de pèlerinage. Elles possèdent souvent des fours et des moulins qui permettent, tout en rendant service, de faire rentrer des redevances. Les commanderies se composent d’un maître avec quelques chevaliers et sergents mais peu d’hommes d’armes qui assurent la protection des biens du temple et des routes. Elles ont aussi un aumônier, un infirmier s’occupant de l’infirmerie ouverte aux pèlerins malades, un économe et un percepteur des droits dus au temple. Elles comprennent aussi quelques artisans « frères de métiers » dirigés par un maréchal, un frère responsable de la vente des produits, un chapelain et un clerc plus spécialement chargé du courrier et de l’équivalent des actes notariés actuels. Selon sa taille la commanderie peut avoir des serfs non affranchis. Elle assure aussi le gite pour les transports et les pèlerins. « Ainsi le Temple fut non seulement un grand propriétaire terrien, un producteur, un transporteur, voire parfois un commerçant, mais aussi un banquier » avec les mêmes conceptions que les multinationales d’aujourd’hui. Les commanderies réunissent dans les différentes régions des cultures, des prés, de l’élevage, des vignes, des sources, des rivières, des étangs, des bâtiments divers, des rentes et des droits, une puissance sur les territoires pour l’époque. De plus en matière foncière leur extension est importante. Les commanderies développent un savoir-faire en matière foncière et au niveau du commerce. Elles utilisent la lettre de change qui évite le transport de fonds. Peu à peu la position financière du Temple s’élargit. Le Temple devient le coffre-fort de l’Occident, il gère les fonds déposés et assure une activité de prêts et de transport de fonds si nécessaire. Il fait progresser les techniques financières avec les lettres de crédit et de change et fait des efforts en matière de comptabilité. Les commanderies jouent un rôle de banque agricole en Occident à une époque où les espèces monétaires sont rares.
Elles excellent dans la gestion de l’argent des puissants, princes et rois. Car après le recul des donations au Temple au XIIème siècle il leur faut trouver d’autres activités lucratives. Les templiers gèrent les finances du roi de France et le gestionnaire devient officier royal et est admis au Conseil du roi. Ils fournissent de nombreux personnels dans la gestion des finances royales et princières. Ils jouent un rôle considérable en matière de prêt auprès des rois de France et d’Angleterre et naturellement après de la papauté. Tout cela va susciter des jalousies.
Avec la chute d’Acre en 1291 c’est la disparition des États latins en Terre Sainte. Ce phénomène va contribuer à la chute des templiers. Les Hospitaliers vont conquérir Rhode et s’y établir. Les templiers s’installent en partie à Chypre mais certains chevaliers reviennent en France. En juin 1300 a lieu la dernière offensive templière sur la côte syrienne où ils sont battus. Les templiers rêvent d’une nouvelle croisade et d’une nouvelle conquête. Mais la croisade n’est plus à l’ordre du jour en Occident. Ils auraient dû s’installer définitivement à Chypre et y prendre le pouvoir. Ainsi ils auraient pu utiliser ce point d’appui pour faire pression sur l’Islam et tenter une reconquête future des anciens États latins. Pendant ce temps les rancœurs et les jalousies contre les templiers persistent et l’esprit de vengeance se construit.
Les hésitations entre 1302 et 1306 vont être fatales aux templiers. En effet les relations avec le roi sont depuis longtemps complexes et contradictoires. Le souverain a des relations compliquées avec le pouvoir spirituel. L’ordre du Temple l’effraie avec ses 15 000 chevaliers qui ne se battent plus. Même s’il confie toujours son trésor à l’ordre, la suspicion règne en maître. Cet ordre ambitieux, orgueilleux, avare de ses biens et de son trésor suscite de plus en plus de rancœur. Depuis 1305 de nouveaux bruits courent sur le Temple, l’on parle d’hérésie, d’idolâtrie et de sodomie ce qui est plus inquiétant. Le Chancelier du roi et Garde des sceaux, Guillaume de Nogaret, averti le roi qu’une machination se prépare contre lui de la part de l’ordre. Il insiste sur l’importance du trésor des templiers. Il trouve même d’anciens chevaliers templiers qui parlent de mœurs dépravées et d’attitude suspecte à l’égard de la religion.
Un évènement va alors précipiter les choses. Le 24 août 1307 le pape indique au roi de France qu’il a ordonné une enquête sur le Temple. À ce moment-là, la conviction du roi est faite, il va supprimer l’ordre du temple. Ainsi le roi prend les devants et le 13 octobre 1307 au matin, c’est l’arrestation des chevaliers du Temple dans toute la France. À partir de ce moment-là, les templiers deviennent des hérétiques. Le roi s’adresse au Pape et aux différents souverains d’Europe. Les réactions sont différentes, cela va de l’indifférence au soutien aux templiers. Pour obtenir des aveux l’inquisition et la torture sont utilisées. Comme l’affirme un des meilleurs historiens du Temple, Victor Carrière : « c’est aujourd’hui un fait définitivement acquis : le Temple, en tant qu’ordre, est innocent des crimes dont on l’a si longtemps accusé ». Même le pape de l’époque, Clément V, avait des doutes.
Malgré cela, en 1309, on recense 546 arrestations dans 30 lieux. Souvent les biens du temple sont annexés par les souverains. En 1310, 54 templiers sont brûlés. Le grand maître Molay et le trésorier général sont parmi eux. En 1312, l’ordre du Temple cesse officiellement d’exister et ses biens sont transférés aux Hospitaliers.
Quant à la légende qui alimente encore certains esprits, le seul trésor du Temple fut sa richesse foncière et sa gloire de combattant.
Comme l’écrit l’historien Alain Demurger : « Le Temple alimente, avec les Cathares et Jeanne d’Arc, l’un des filons inépuisables de la pseudo-histoire, celle qui n’a pour but que d’offrir à des lecteurs avides leur ration de mystère et de secrets ».
Source : Alain DEMURGER, Vie et Mort de l’ordre du Temple.