Guerre d’Algérie
Guerre d’Algérie
Quelques éléments pour comprendre ce conflit.
La conquête française commence en 1830. Longue et difficile, elle va durer vingt ans.
La dernière grande révolte remonte en 1874 en Kabylie.
L’Algérie occupe une place à part dans l’Empire colonial français. Elle devient un pays de peuplement. Les 14 états composants actuellement l’Afrique noire française par exemple comptaient vers 1900 environ 100 000 Français alors que l’Algérie en compte 800 000 à la même date et environ un million en 1962. Mais les Européens restent toujours minoritaires dans un rapport de 1 à 7 en 1900 pour passer de 1 à 9 en 1962.
Le peuplement européen en Algérie se fait à partir de trois sortes de populations :
- les paysans pauvres français qui forment pour l’essentiel les colons blancs,
- les Alsaciens et les Lorrains qui migrent après la défaite de 1870 (environ 100 000),
- les opposants politiques, ceux de la révolution de 1848 qui s’opposent à Napoléon III ou les « communards » de 1871.
A partir de 1848, l’Algérie voit la création de trois départements français : Alger, Oran et à l’Est, Constantine.
En 1870, le gouvernement de la III ème République, au travers du décret Crémieux (ministre de la justice) accorde la citoyenneté française aux juifs d’Algérie soit quelques 60 000 personnes.
En 1881, les musulmans ont un statut particulier, ils sont français mais n’ont pas la citoyenneté et donc pas le droit de vote. Il est alors question du statut de l’indigénat. On parle aussi de Français musulmans d’Algérie (FMA).
En 1919, tous les militaires originaires d’Algérie ayant combattu en France obtiennent la citoyenneté, soit environ 100 000 personnes.
En 1936, un projet de loi dénommé Blum-Violette (respectivement président du Conseil et gouverneur général d’Algérie) propose au titre de la « méritocratie » d’accorder la citoyenneté aux 27 000 musulmans diplômés de l’École alors que la loi Ferry sur la création de l’école laïque, gratuite et obligatoire n’a pas de caractère obligatoire d’application en Algérie. Mais le Sénat rejette ce projet.
C’est à la fois l’apparition des élites algériennes dans les années 1920-1930 et ce projet de loi qui entraînent la naissance du nationalisme algérien. Les nationalistes se regroupent autour de Messali Hadj (d’où le nom de courant « messaliste ») et réclament l’indépendance. C’est de ce courant radical que va naître en 1953 le Front de libération nationale (FLN) avec Ben Bella comme leader.
En 1943, la demande des nationalistes franchit une nouvelle étape avec la présentation du « manifeste du peuple algérien » par Ferhat Abbas. Il est remis à Eisenhower. Ce texte conteste la possibilité d’assimilation et prévoit une phase intermédiaire avant l’indépendance avec la création d’une fédération incluant une nation algérienne ayant vocation à devenir un état. Mais De Gaulle, après son installation en Algérie et la création du Comité français de libération nationale (CFLN), lors de son discours de Constantine le 3 décembre 1943 rejette « le manifeste ». Pour lui les Algériens vont devenir des citoyens français par étape avec l’objectif d’intégrer 7 millions de musulmans. Pour cela une réforme en deux temps est prévue :
- Les 100 000 algériens en France, soldats en 1944, vont bénéficier de la citoyenneté.
- L’Assemblée élue en France annonce un grand programme économique et social pour l’Algérie, avec comme objectif de réussir l’assimilation.
Mais n’est-ce pas un peu tard ?
C’est alors qu’éclatent, le 8 mai 1945, les émeutes de Sétif. Les anciens combattants qui viennent de rentrer refusent la domination coloniale ainsi que les difficultés économiques. Les émeutes anti-françaises entraînent la mort d’une centaine de personnes. La répression organisée par les militaires font au moins 7 000 à 8 000 victimes.
Pour beaucoup, c’est le début de la guerre d’Algérie.
Pendant les années 1945-1954 règne en Algérie un calme trompeur. En 1947, un nouveau statut pour l’Algérie voit le jour. Il confirme la citoyenneté sauf pour les femmes qui devront attendre 1956. Une assemblée algérienne est créée avec deux collèges votant séparément. Le collège pour les Européens, avec le même nombre de représentants que le collège des musulmans, est soumis à de fortes pressions de l’administration et les irrégularités lors des élections sont nombreuses.
Les inégalités économiques et sociales persistent.
Le 1er novembre 1954 éclate la « Toussaint rouge », début du conflit.
En 1956, une majorité de gauche est élue aux élections législatives. C’est Guy Mollet qui devient président du Conseil. Il se fait élire avec en programme mettant en avant la recherche d’une solution pacifique en Algérie. Lors d’une visite à Alger, il est pris à parti par les Européens, ce qui entraîne de sa part un revirement de position. Il fait alors voter par l’Assemblée les « pouvoirs spéciaux » qui :
- donnent le pouvoir à l’armée
- ramènent le service militaire à 27 mois
- envoient des appelés et des « rappelés » en Algérie.
En 1957, 400 000 soldats sont présents en Algérie et c’est 2 millions de soldats qui effectueront leur service militaire dans ce pays.
Le 13 mai 1958, une attaque contre le gouverneur général d’Algérie avec la participation de militaires entraîne une tentative de putsch. La France est au bord de la guerre civile, la IV ème République vacille, et c’est à cette occasion que De Gaulle revient au pouvoir. C’est un nationaliste qui essaie de sauver l’Algérie française mais ce département français n’est pas sa priorité absolue. Il est intéressé par l’avenir économique de la France qui a signé le traité de Rome en 1957 et a adhéré à la Communauté économique européenne. De Gaulle pense que la grandeur du pays se joue en Europe. Il veut également favoriser les relations Est-Ouest et sa priorité demeure la V ème République et ses nouvelles institutions adoptées par référendum le 28 septembre 1958.
En 1958, De Gaulle joue la carte de l’Algérie mais il rencontre immédiatement un rejet du FLN et une opposition des ultras de l’Algérie française.
L’annonce de la possibilité de l’autodétermination pour l’Algérie, le 16 septembre 1959, est un des grands tournants du conflit. À ce moment là, l’armée française a gagné militairement et le FLN est très sérieusement affaibli. Mais dans le même temps la France est condamnée sur la scène internationale et notamment à l’ONU. D’ailleurs le pouvoir demande aux électeurs lors d’un référendum en métropole le 8 janvier 1961 de se prononcer sur l’autodétermination. Près de 75 % (74,99) des votants soutiennent cette démarche.
En Algérie en avril 1961, les généraux tentent un putsch entraînant une division de l’armée. Les appelés du contingent refusent massivement de suivre les généraux.
C’est également en 1961 que les ultras militaires et civils créent l’Organisation Armée Secrète (OAS). Pendant plusieurs mois cette organisation d’extrême droite multiplie les attentats en Algérie et en métropole. Elle tente ainsi de freiner l’indépendance inévitable.
C’est enfin la signature des accords d’Evian établissant un cessez-le-feu en Algérie pour le 19 mars 1962. Les électeurs de métropole sont consultés pour la ratification de ces accords et 90,91 % des exprimés votent Oui. Un référendum est également organisé en Algérie, au sujet de son indépendance, le 1er juillet 1962. On compte 91 % de votants et 99 % des exprimés y sont favorables.
Le 3 juillet 1962, l’indépendance de l’Algérie est prononcée. Cette séparation n’est pas sereine car réalisée dans des conditions très difficiles. Le bilan humain est important :
- l’armée française comptabilise 27 000 morts
- côté algérien, le FLN l’estime à 1 million de morts, quant au gouvernement français, il annonce 100 000 morts. Les historiens s’accordent sur le chiffre de 200 000 à 300 000 morts.
À cela s’ajoute la souffrance et le départ pendant l’été 1962 de près d’un million de « Pieds-Noirs » très mal accueillis en métropole ainsi que le drame des Harkis car si 70 000 reviennent en France, de terribles massacres ont lieu en Algérie que l’on estime avoir provoqué entre 50 000 et 100 000 victimes.
Quelques raisons ont conduit De Gaulle à « lâcher » l’Algérie. Tout d’abord il tient à préserver la V ème République naissante. Ensuite, il envisage une autre politique étrangère avec une ouverture sur les pays du Tiers-Monde et du bloc soviétique. De plus, il considère que la « guerre d’Algérie » a monopolisé 400 000 soldats sur un front secondaire alors que la priorité pour lui en cette période est de disposer du maximum de forces face à l’URSS et à son bloc. Enfin, entrent en compte également des raisons économiques.
En effet, la guerre à un coût. Malgré une aide financière des USA de 3 milliards de dollars entre 1952 et 1955, cela ne suffit pas à équilibrer les comptes. La France s’est endettée pour acheter du matériel militaire à l’étranger et en particulier aux USA. La guerre a engendré des dépenses militaires improductives au détriment de la recherche et du développement des industries de pointe. La mobilisation du contingent a entraîné une raréfaction de la main d’œuvre. De plus le déficit extérieur s’est accrue de façon importante.
La chronologie est ici incomplète, mais elle donne un aperçu de la complexité des événements et de la situation. À vous de l’enrichir par vos lectures personnelles.
Quelques lectures possibles :
-
Henri ALLEG, La Question
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Henri ALLEG, Mémoire algérienne
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Sous la direction de Henri ALLEG, La Guerre d’Algérie
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Pierre VIDAL-NAQUET, Les crimes de l’armée française : Algérie 1954-1962
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Livres de Benjamin STORA, professeur spécialiste de l’Algérie coloniale et du Maghreb.