Conclusion
Démarré plus tardivement que dans d’autres pays européens, la France n’échappa pas au développement du rail. La Révolution industrielle entraîna un essor de la construction des voies ferrées. Les grands axes ferroviaires furent fixés dès 1838, mais la loi de 1842 dite « loi Guizot », en plus des tracés ferroviaires, fixa les modalités d’exploitation et les financements. Dès 1857 la France fut découpée en six réseaux.
Des conventions, la première en 1859, furent mises en place entre les Compagnies et l’Etat. Ainsi se créèrent au fur et à mesure des liens d’inter dépendance entre les deux. Au-delà des financements, l’Etat pu avoir un droit de regard sur la gestion mais aussi sur la politique tarifaire. Sous la IIIéme République, les républicains utilisèrent la rail pour développer l’échange des personnes et des biens.
Une nouvelle convention, à la demande de l’Etat vit le jour en 1883. A partir de cette convention et jusqu’à la Première Guerre mondiale, le rail, avec 50 000 kilomètres de ligne, mailla tout le territoire.
Le rachat du réseau de l’Est par l’Etat en 1908, donna une dimension nouvelle à l’interventionnisme étatique sur le rail.
Entre 1914 et 1918, sous l’autorité militaire, le ferroviaire contribua largement à la guerre. C’est pendant ce conflit que la Fédération nationale CGT des cheminots vit le jour en janvier 1917. Cette Fédération se dota d’un organe officiel La Tribune des cheminots pour informer ses adhérents.
L’après-guerre posa avec force le problème de la reconstruction et de la modernisation du réseau. La question des conditions de travail et de rémunération de la corporation cheminote fut mises en avant. L’année 1919 vit un renforcement de la CGT et, la Fédération des cheminots devint la première organisation de la Confédération. Celle là, connut une forte effervescence revendicative.
Les révolutions russes de février et novembre 1917 ne furent pas sans conséquences sur le mouvement syndical et politique français. A partir de 1920, la Fédération des cheminots connut des affrontements avec les Compagnies mais également à l’intérieur de l’organisation entre réformistes et révolutionnaires. Ce qui entraîna une scission et la création de la CGTU en 1922. La transformation de la SFIO en SFIC, au congrès de Tours de 1920, toucha aussi la corporation. De 1921 à 1935, les cheminots eurent deux Fédérations, la CGT confédérée et la CGT unitaire.
En 1935 à 1939 la Fédération se réunifia avant de connaître, à l’issue de la signature du pacte germano-soviétique, de nouvelles divisions avec l’exclusion des communistes de la CGT.
La Tribune des cheminots, organe officiel de la CGT mais aussi de la CGTU, permit entre 1920 et 1939 de suivre l’évolution économique, syndicale, sociale, revendicative et politique de la profession.
Sur la situation économique et ses conséquences pour les cheminots, la situation ferroviaire exigea une nouvelle convention en 1921.
A l’issue de la Première Guerre mondiale, les Compagnies étaient exsangues. Pourtant le trafic marchandise et voyageur poursuivit son essor. Il fallait répondre à la demande et reconstruire une partie du réseau détruit. Les demandes sociales de la corporation étaient fortes.
Après plusieurs années de réflexion, le gouvernement signa, en 1921, une nouvelles convention avec les Compagnies. L’interpénétration des responsabilités entre l’Etat et les Compagnies s’en trouva accrue.
La TC se fit l’écho de se « nouveau régime des chemins de fer ». Chez les confédérés la TC va largement informer les cheminots et développer l’idée d’une nécessaire nationalisation du rail.
Les unitaires, pour leur part, se montrèrent réservés sur cette nouvelle convention et en particulier sur les nouvelles instances de représentation. Ils s’inquiétaient du rôle dirigeant du grand patronat des réseaux et de la place insignifiante des représentants des cheminots. Ils appelaient aussi à la « nationalisation des chemins de fer par expropriation des compagnies. »
Le trafic augmenta mais la politique tarifaire pratiquée, encadrée par le gouvernement, ne permit pas de surmonter les difficultés financières, au contraire.
Dans les années 1930, le trafic voyageur, banlieue et marchandises fut en constante augmentation. L’électrification du réseau se poursuivit ainsi que l’acquisition de nouveaux wagons et de nouvelles locomotives.
Mais dans les années 1930, apparu avec force la concurrence de la route mettant à mal le quasi-monopole du chemin de fer. Pour limiter cette évolution les Compagnies furent à l’initiative de la mise en place d’un comité de coordination. Le transport de marchandises par la route fut encadré.
La TC confédérée s’intéressa largement à cette question comme pour les questions économiques. Elle se fit l’écho des nombreuses propositions économiques de la CGT.
Le député socialiste Jules Moch, avec l’aide de la Fédération confédérée, présenta à la Chambre son projet de loi de nationalisation des chemins de fer.
La TC unitaire, pour sa part, n’avançait pas de propositions économiques. Ces priorités étaient plus revendicatives. La CGTU eut beaucoup de réticences à l’égard de la nationalisation. La TC unitaire se fit largement l’écho de l’internationalisme prolétarien et de la situation au pays des Soviets comme d’un modèle.
Malgré la convention de 1921, le déficit ne cessait de croître. Quelques mesures furent décidées en 1933 par le gouvernement et les Compagnies. Mais en 1937, le déficit atteignait les 35 milliards de francs.
La TC réunifiée fit grand cas de cette situation et œuvra pour obtenir la nationalisation des chemins de fer. Le gouvernement du Front Populaire travailla dans ce sens. Le gouvernement Chautemps par décret-loi et convention du 31 août 1937 créa la Société Nationale des Chemins de Fer. La SNCF vit le jour le 1er janvier 1938. La TC informa les adhérents de la Fédération CGT des cheminots.
Mais la naissance de la SNCF ne fit pas disparaître les problèmes. La direction de la nouvelle entreprise prit des décisions drastiques pour combler le déficit (fermetures de lignes notamment).
La dégradation de la situation sociale chez les cheminots entraîna des mouvements revendicatifs, forts, durant l’année 1920. Dès janvier, parti des ateliers de Périgueux le mouvement de grève s’étendit sur une partie du réseau du P.O.. Des divergences profondes éclatèrent entre majoritaires et minoritaires. Les révocations prononcées par la direction de la Compagnie furent levées grâce à l’intervention du Président du Conseil.
En février, la grève toucha le réseau PLM. Les sanctions et les révocations firent l’objet d’un compromis entre le Président du Conseil et les majoritaires de la Fédération.
Au congrès d’avril 1921, les minoritaires prirent la direction de la Fédération. Après d’âpres négociations avec la direction confédérale l’appel à la grève générale chez les cheminots fut lancée pour le 1er mai. Les autres corporations devant rentrer dans l’action graduellement.
Mais les directions des réseaux prirent des dispositions pour assurer un minimum de trafic marchandises et voyageurs, avec l’aide de volontaires des écoles techniques. L’Etat utilisa tout l’arsenal juridique pour décapiter la direction fédérale et les principaux grands syndicats. Les autres professions eurent du mal à suivre le mouvement et les cheminots se retrouvèrent seuls. L’Etat engagea même des poursuites contre la CGT. Le mouvement fut un échec et se solda par de nombreuses révocations, entre 18 000 et 25 000.
Les divergences dans la Fédération aboutirent en 1921, à une situation inédite, deux Fédérations CGT des cheminots. Une reconnue par la Confédération et l’autre non. Ce qui entraîna, en 1922, la création de la CGTU. A partir de juin 1921, existaient aussi deux Tribune des cheminots.
C’est aussi en 1920 que le gouvernement, après une longue réflexion et de larges débats, imposa un statut unique à toute la corporation. Première véritable convention collective dans une profession comme le souhaitait la loi de 1919.
De 1922 à 1935, CGT et CGTU connurent des périodes d’affrontements. Mais la crise économique et politique, et la volonté unitaire de la base, permirent peu à peu le rapprochement des deux Fédérations. Divers initiatives de militants locaux rapprochèrent CGT et CGTU. En décembre 1935, quelques mois avant les Confédérations, la Fédération réunifiée vit le jour. La parité des équipes dirigeantes entre confédérés et unitaires fut mise en place.
Si les cheminots ne participèrent pas aux grèves de mai-juin 1936, des actions revendicatives, sous d’autres formes, eurent lieu. Par décret, en janvier 1937, les cheminots obtinrent les quarante heures. Et les Compagnies lâchèrent sur les autres revendications.
La création de la SNCF le 1er janvier 1938 fut suivi d’une nouvelles convention collective le 30 juillet 1938. L’année vit aussi la création de la Caisse de prévoyance, sécurité sociale avant l’heure pour les agents et leur famille.
Après 1936, peu à peu les révoqués furent réintégrés. Mais la fin du Front Populaire, en 1938, sonna le glas des revendications accordées peu avant.
La riposte aux décrets-lois de Paul Raynaud, le 30 novembre 1938, ne fut pas à la hauteur de l’ampleur de l’attaque. A nouveau 5 000 cheminots furent sanctionnés.
La signature du pacte germano-soviétique accentuera les désaccords à l’intérieur de la CGT.
La situation politique interféra aussi dans l’évolution de la CGT. Dès février 1917, la CGT prit position pour la révolution russe. Mais il n’en fut pas de même avec la révolution bolchevique de novembre 1917. Au contraire, une large majorité refusa d’y apporter son soutien.
L’affrontement entre réformistes et révolutionnaires prit de l’ampleur dans les années 1920. La décision de la majorité des adhérents de la SFIO de se transformer en SFIC m’améliora pas la situation dans la CGT.
L’année 1920, chez les cheminots, fut conflictuelle à l’intérieur de la Fédération CGT. La direction Fédérale changea plusieurs fois, la bataille entre réformistes et révolutionnaires fut particulièrement rude.
Le congrès Confédéral de 1920 connut aussi des débats importants. La TC traita de toutes ces propositions.
Mais en 1921, la scission était consommée et chaque Fédération de cheminots publia sa propre TC. Vint 1922, avec la création de la CGTU et l’adhésion de cette centrale à l’ISR.
Durant près de treize ans la TC se fit l’écho des positions différentes et même antagonistes des deux Fédérations. Aussi bien sur la situation internationale, les questions sociales et politiques, les divergences furent nombreuses.
En 1924, Pierre Sémard quitta la direction de la Fédération CGT pour devenir Secrétaire général du PC.
La crise des années 1930 et la volonté unitaire de la base permit d’arriver à la réunification des deux Fédérations en décembre 1935.
En janvier 1936 parut la première TC réunifiée. Le congrès Fédéral de mars 1936 vit la naissance d’une seule CGT. Mais des divergences de fond restèrent sur le rapport aux politiques et l’adhésion à l’internationale notamment.
L’insurrection du général Franco en Espagne en 1936, amena la TC à engager une vaste campagne de solidarité pendant trois ans. Cependant, avec la décision de « non-intervention » du gouvernement nouvellement élu du Front Populaire, la CGT dut prendre une position de compromis. La SFIO était pour et le PCF contre.
La Fédération réunifiée se renforça tout au long des années 1936 à 1937 pour atteindre les 320 000 adhérents.
En 1938, la Fédération des Cadres adhéra à la CGT.
Les accords de Munich, en 1938, firent aussi l’objet de débats.
La situation internationale ne cessa pas de se dégrader en 1939. La signature du pacte germano-soviétique fit éclater la CGT avec l’exclusion de communistes.
Peut-on parler de scission ?
La déclaration de guerre ne permit pas de mesurer la portée de ces exclusions. Les militants communistes étaient obligés de rentrer dans la clandestinité.
La défaite de la France en 1940 et la mise en place de l’Etat Français, dirigé par Pétain, entraîna la dissolution de la CGT et de l’ensemble des organisations syndicales.
Cette « scission » fut de courte durée car, dès 1943, avec les accords du Perreux, la CGT se réunifia à nouveau.