Les 90 ans du P C F.
C’est le 29 décembre 1920, lors du congrès de Tours (du 25 au 30 décembre 1920) que la majorité des délégués de la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) se prononce pour l’adhésion à l’internationale communiste par 3252 voix contre 1082.
La motion défendue par Cachin-Frossard l’emporte après un large débat parmi les 180000 adhérents à la SFIO organisés en 96 fédérations. C’est la naissance de la Section Française de l’Internationale Communiste (SFIC) qui deviendra en 1922 Le Parti Communiste SFIC et plus tard le Parti Communiste Français.
La minorité conduite notamment par Blum, Faure et Longuet décide de faire scission et de poursuivre l’activité de la SFIO qui deviendra plus tard le Parti socialiste.
Un retour en arrière et quelques explications historiques sont nécessaires pour permettre une meilleure compréhension de cette évolution.
Le XIXème siècle est le siècle de la révolution industrielle. Les grandes industries voient le jour et se développent. C’est l’essor de l’exploitation des mines de charbon, de la sidérurgie et des chemins de fer en particulier.
Apparaît alors ce que l’on appelle le prolétariat avec de grosses concentrations de travailleurs exploités, y compris des enfants et des femmes, où sévit la misère. Il est interdit de s’organiser et de faire grève depuis la loi de Le Chapelier de 1791. Alors les prolétaires tentent de s’organiser pour améliorer leurs conditions de vie et de travail et c’est au travers de groupements, de sociétés mutualistes qu’ils le font.
Dans le courant de ce XIXème siècle les idées marxistes, anarchistes et socialistes apparaissent. Après la cuisante défaite française face aux Prussiens en 1870 c’est la naissance de la IIIème République mais c’est surtout, à partir du 18 mars 1871, le début de la Commune de Paris. Les Communards engagent de nombreuses réformes progressistes sur le droit du travail, l’école, la participation aux élections, l’égalité hommes/femmes et dans bien d’autres domaines. Mais ils hésitent à occuper la Banque de France.
Malheureusement la Commune, malgré quelques tentatives infructueuses dans des villes de province, reste un événement parisien. Et, après une ardente résistance contre les troupes versaillaises dirigées par Thiers, c’est l’écrasement de la Commune lors de la semaine sanglante des 21 au 28 mai 1871. Les milliers de Communards sont massacrés, fusillés, emprisonnés, envoyés aux bagnes dans les colonies ou contraints de fuir.
Le mouvement ouvrier subit une grave défaite mais la République a besoin de se consolider. En effet, les républicains sont minoritaires à la Chambre, les royalistes sont majoritaires mais les deux fractions (légitimistes et orléanistes) sont incapables de se mettre d’accord et restaurer la monarchie. Il faudra attendre 1879, pour que les républicains soient effectivement majoritaires et adoptent une constitution confirmant la République.
Le mouvement ouvrier se réorganise et en 1880 une loi d’amnistie à l’encontre des Communards est votée. C’est le retour en France de Louise Michel.
Dés 1884 les syndicats peuvent légalement s’organiser. Les ouvriers se syndiquent dans les localités dans les Bourses du Travail et par métier dans les fédérations. La fusion de ces deux structures aboutit en 1895 à la naissance de la CGT.
Sur le terrain politique la classe ouvrière tente de s’organiser mais le mouvement socialiste est divisé. Il faut attendre 1905 pour voir la création de la Section Française de la IIème Internationale Ouvrière (SFIO) alors que la IIème Internationale Ouvrière a été fondée en 1889.
De nombreuses luttes marquèrent la fin du XIXème et le début du XXème siècle à l’initiative de la CGT.
À signaler que pendant ce temps la République développe son empire colonial.
La CGT, en ce début du XXème siècle, poursuit sa structuration et adopte en 1906 ce que l’on appellera la « Charte d’Amiens » qui affirme son indépendance et non sa neutralité face au politique.
Lors des congrès de 1907 et de 1912 l’Internationale ouvrière appelle par la voix de Lénine à combattre la menace de guerre car les impérialistes se préparent à la guerre sur le continent européen. Lorsque le conflit éclate c’est la faillite de la IIème Internationale et des différents mouvements socialistes qui soutiennent leurs gouvernements respectifs et donc la guerre.
La SFIO et la CGT sombrent dans le chauvinisme et la défense de la patrie derrière les dirigeants bourgeois. En Europe, seuls les bolcheviks russes et le parti ouvrier social démocrate bulgare résistent. Il faudra attendre les conférences de Zimmervald en 1915 et de Kienthal en 1916 pour que certains dirigeants du mouvement socialiste d’Europe se rencontrent et parlent d’arrêt de la guerre.
Deux événements vont marquer le tournant dans cette guerre, d’abord la révolution russe de février 1917 et surtout la révolution bolchevik d’octobre 1917. Les Soviétiques font immédiatement la proposition, aux différents belligérants, de la paix sans annexion et sans indemnités et ils appellent les travailleurs et les soldats des différents pays à s’engager dans le combat pour la paix. Cet appel a un large écho en Europe.
En France c’est la défaite des chauvinistes à l’intérieur de la SFIO mais les thèses de Lénine demeurent minoritaires.
En Allemagne une révolution chasse le Kaiser le 9 novembre 1918 et demande l’armistice. Les alliés imposent une capitulation sans conditions le 11 novembre 1918.
Pendant ce temps là, dés la fin de 1917, les Français, anglais et américains interviennent contre la révolution soviétique. Le corps expéditionnaire en Mer Noire compte 40 000 soldats.
La fin de l’immense boucherie qu’a été la 1ère guerre mondiale amène son cortège de victimes, de blessés, de mutilés, de désolation et de destruction.
Les grandes sociétés capitalistes se sont enrichies et veulent encore s’enrichir sur le dos du peuple allemand.
L’année 1919 est marquée, en France, par de nombreuses luttes qui contraignent le gouvernement à accorder la loi des 8 heures sans perte de salaire le 23 avril. Le 1er mai traduit une mobilisation exceptionnelle dans tous le pays et à Paris en particulier.
1919 voit la révolte des marins de la Mer Noire avec à leur tête André Marty, futur dirigeant du PCF. 1919 connaît aussi des révolutions en Allemagne, en Hongrie, en Bavière et en Mongolie. A signaler que la Révolution Spartakiste allemande est écrasée dans le sang avec des milliers d’assassinats, grâce à la collusion de la droite et de la social démocratie.
C’est aussi en mars 1919 que se constitue l’Internationale Communiste qui deviendra la IIIème Internationale.
Toujours en 1919, la IIème Internationale prend position contre la révolution soviétique et le concept de dictature du prolétariat avancée par Lénine. Celui-ci écrit sur l’Etat : « Une machine faîte pour opprimer une classe par une autre ».
L’Internationale Communiste adopte un manifeste qui précise entre autre « … la IIIème Internationale est l’Internationale de l’action des masses, l’Internationale de la réalisation révolutionnaire ».
En France la SFIO tient son congrès en février 1920 et décide à une large majorité de sortir de la IIème Internationale mais écarte l’adhésion à la IIIème Internationale. Pourtant ce congrès donne mandat à la Commission Administrative Permanente (CAP) « d’entrer sans délai en négociation avec les organismes qualifiés de la IIIème Internationale ».
L’année 1920 connaît aussi de nombreux conflits dont en particulier celui des cheminots.
Dans le cadre de la préparation du IIème congrès de l’Internationale communiste du 19 juillet au 7 août 1920 à Moscou, la CAP envoie deux représentants Frossard et Cachin qui voyagent en Russie Soviétique. Pour l’adhésion à la IIIème Internationale celle ci soumet 21 conditions pour éviter les erreurs et les déviations réformistes. Dés leur retour Cachin et Frossard tiennent une série de meetings en France et appellent à rallier le communisme.
C’est dans ces conditions que se prépare le 18ème congrès de la SFIO plus connu sous le nom de congrès de Tours. Il se déroule du 25 au 30 décembre 1920.
Déjà la majorité des fédérations se prononcent pour l’adhésion à la IIIème Internationale. Trois grandes tendances vont s’affronter à ce congrès :
- les partisans de l’adhésion à la IIIème Internationale, fraction Cachin-Frossard,
- les adversaires déclarés,
- les « Reconstructeurs » avec Longuet et Blum qui émettent de telles restrictions pour l’adhésion qu’ils se rapprochent des adversaires déclarés.
Après débat et avant le vote, la représentante de l’Internationale Communiste intervient au congrès. Il s’agit de Clara Zetkin, dirigeante communiste allemande et internationale, féministe, à l’initiative de la journée du 8 mars. Ayant vécu de nombreuses années en France, elle s’exprime en français devant les congressistes. Elle est venu à Tours malgré l’opposition du gouvernement et la traque de la police.
Une très large majorité vote l’adhésion à la IIIème Internationale et dans sa résolution d’adhésion indique qu’elle reconnaît « comme légitimes et indispensables, les conditions posées par l’Internationale communiste pour éviter l’affiliation d’éléments anticommunistes ».
La minorité quitte le congrès et se réunit dés le 30 décembre pour provoquer la scission et maintenir la SFIO.
Un appel est adopté au congrès pour annoncer la naissance de la Section Française de l’Internationale Communiste (SFIC), nouveau nom du parti. Il indique notamment « c’est la France salariée, la France en révolte contre le régime capitaliste, régime de guerre et de faillite, régime de rapine, d’exploitation et de servitude, c’est toute la France militante qui est avec nous ; c’est elle qui défendra demain, de concert avec toutes les sections de l’Internationale Communiste, la paix, le droit des peuples et la révolution menacées par les impérialistes masquant leurs intérêts de classe derrière la défense nationale ».
La SFIC deviendra à partir du 1er janvier 1922 le Parti Communiste-SFIC et plus tard le Parti Communiste Français (PCF).