Manifestation de Charonne

Manifestation de Charonne
8 février 1962

Ce jour là, à l’appel des organisations syndicales (CGT, CFTC, UNEF) et avec le soutien des partis politiques (PCF, PSU notamment) une manifestation contre l’Organisation armée secrète (OAS) et pour la paix en Algérie se déroule à Paris. Cette manifestation n’est pas autorisée par le pouvoir, à savoir le Président de la République Charles de Gaulle, son premier ministre Michel Debré, son ministre de l’intérieur Roger Frey et son préfet de police à Paris, Maurice Papon. Elle est interdite car, après la tentative des généraux de prendre le pouvoir en Algérie en avril 1961 et la création de l’OAS (partisane de l’Algérie française), le gouvernement déclare l’état d’urgence. À cause du renforcement de sa lé-gislation les manifestations sont interdites pendant la durée de la guerre qui reste à cette époque et jusqu’en 1999 qualifiée officiellement «d’événements».
Malgré cette interdiction, d’après les estimations les plus réalistes, environ 20000 personnes se trouvent réunies en cinq points de rassemblements. En effet, le lieu prévu initialement, place de la Bastille, est inaccessible pour les manifestants compte tenu du déploiement des forces de police.

Pourquoi un tel rassemblement ? La veille une série d’attentats frappe Paris et sa région et une petite fille de quatre ans, Delphine Renard, est gravement blessée lors de l’explosion d’une bombe visant l’appartement d’André Malraux. Cette vague terroriste suscite l’indignation et une vague de protestation. En plus, la « guerre d’Algérie » entre dans sa huitième année et le pouvoir politique cherche une issue à ce conflit. Les attentats OAS en métropole se multiplient avec pas moins de 95 attentats en janvier 1962 et 96 en février. C’est dans ce contexte que les manifestants défilent en plusieurs points de Paris. Avec comme consignes des organisateurs d’effectuer des manifestations brèves, se terminant au plus tard à 19h30, et d’éviter les heurts et les affrontements avec la police. Quatre cortèges sur cinq se déroulent sans incident notable. Mais au carrefour Voltaire-Charonne de violents affrontements ont lieu alors que le rassemblement allait se disloquer. La police charge avec un équipement spécial, l’utilisation de « bidules » avec des gants spéciaux. Ces bâtons de défense ont une longueur de 105 centimètres et un diamètre de 5 centimètres. Ces armes sont utilisées par les compagnies d’intervention dites également de district. « Ces unités ont été créées en juillet 1953 comme force spécifique-ment parisienne de maintien de l’ordre ». Elles représentent environ 1600 hommes. Une partie des manifestants tente de se réfugier au métro Charonne (la station est ouverte) mais trébuche et piétine. Et le drame se produit.
Cette charge policière est décidée par l’état major, l’ordre est donné à 19h23, elle est réalisée à 19h35. Il s’agit donc d’une violence « encadrée ».
Ce drame va entraîner la mort de neuf personnes dont huit au métro Charonne et une autre quelques jours plus tard. Trois d’entre elles sont « tuées directement du fait de matraquages ». Six autres victimes meurent « par compression dans une foule, d’asphyxie provoquée par les brutalités commises par les policiers sur les personnes amoncelées dans la bouche du métro Charonne ».
Ces neuf morts comptent trois femmes, un adolescent de 16 ans et cinq hommes. À signaler que huit victimes sont des adhérents de la CGT et que sept d’entres elles sont également membre du Parti communiste.
Dés que les faits sont connus, l’émoi dans la population est grand. Le pouvoir tente de justifier cette violence en l’imputant à « des commandos communistes » puisqu’il s’agissait selon lui « d’une manifestation communiste ». Mais une puissante riposte s’organise lors de la manifestation pour les victimes le 13 février 1962. C’est un très large appel à participer aux obsèques de la part des syndicats, des associations et des partis politiques dont la SFIO (ancêtre du Parti socialiste), le Parti radical et le Mouvement républicain populaire participant au gouvernement.
Le défilé précédant l’enterrement des victimes de Charonne se déroule entre la Bourse du travail et le cimetière du Père Lachaise.
« Officiellement réalisées en commun par les organisations syndicales, les funérailles sont prises en charge par la seule CGT qui reçoit pouvoir des familles des manifestants tués. Les obsèques des morts de Charonne ont donné lieu à une manifestation parmi les plus considérables que la France du XXème siècle ait connue ».
Ce jour là, entre 200 000 et un million de personnes participent et rendent hommage aux victimes de Charonne. Cette immense mobilisation, le souvenir des victimes, vont modifier le rapport de force et faciliter le règlement du conflit algérien. En effet, le 19 mars 1962 à Évian seront signés les accords mettant fin à huit longues années de conflit.
Il y a 50 ans, 9 personnes innocentes sont mortes victimes de violences policières sous l’œil de nombreux témoins dont 58 qui par la suite témoignent et déclinent leurs identités. Malgré plusieurs plaintes et différentes actions en justice une ordonnance de non-lieu est prononcée le 1er octobre 1966. Elle est confirmée en appel le 12 juin 1967. C’est donc une impunité totale que décide la justice, aucun crime n’est reconnu.
Le pouvoir va s’acharner car il faudra attendre 1982 pour qu’une commémoration soit autorisée au métro Charonne.

Source : DEWERPE Alain, Charonne 8 février 1962 Anthropologie historique d’un massacre d’État.



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