La Sécu un oublié « volontaire » Ambroise CROIZAT

Plus de 60 ans déjà nous séparent de la création de la Sécurité Sociale. En cet anniversaire d’un organisme qui a profondément modifié notre façon de nous soigner essayons de nous rappeler comment, pourquoi et avec qui la Sécurité Sociale a vu le jour et a pu se développer pour permettre l’accès aux soins de dizaines de millions de français.

Un acte issu de la Résistance

Le 15 mai 1944 le Conseil National de la Résistance (CNR) souhaite « un plan complet de sécurité sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’Etat ». Ceci en s’appuyant sur le modèle BEVERIDGE, un britannique qui publie le 1e décembre 1942 un rapport sur la première charte de « l’état providence » qui préconise de lutter contre ce qu’il appelle les « cinq génies malfaisants » : absence de ressources, maladie, vieillesse, ignorance et taudis.

A la libération de la France, le pays est exsangue : 3 millions de personnes dans la misère, 150 000 immeubles totalement détruits, la pénurie alimentaire, la nécessité d’accueillir 1500 000 prisonniers de guerre et de déportés, problèmes de malnutrition et de santé. Une situation qui n’empêche pas les résistants dans la France libérée d’agir.

Un travail acharné

Dès avril 1944, un groupe impulsé par Ambroise Croizat (ancien député communiste) dans le cadre de l’Assemblée Consultative d’Alger réfléchit et propose les grandes lignes du projet. Un résistant haut fonctionnaire Pierre Laroque met en forme, réalise la synthèse du groupe de travail et contribue à l’écriture de l’ordonnance du 4 octobre 1945 et 19 octobre 1945.

Qui était Ambroise CROIZAT ?

Né en 1901 en Savoie, il suit sa famille à Lyon où son père se réfugie pour chercher du travail, suite

à plusieurs « licenciements » pour fait de grèves. Apprenti en 1914, il devient ajusteur ; il adhère à la CGT puis à la SFIO puis au PC au congrès de Tours. Il devient secrétaire de la fédération CGTU des métaux en 1928.Il est élu député du PCF en 1936.

De 1939 à 1943 il est emprisonné comme trente cinq autres députés communistes.

A sa libération il participe au Conseil National de la Résistance. En 1945 il est réélu député, il assume la direction de la Fédération CGT de la métallurgie. Puis il devient ministre du travail et de la sécurité sociale. Il est exclu du gouvernement le 5 mai 1947 comme les autres ministres communistes. Il continu son action de syndicaliste et de député jusqu’en 1951, moment de son décès.

Jusqu’à la fin, il défend la Sécurité Sociale en 1950 à la tribune de l’assemblée il déclare « Jamais, nous ne tolérerons qu’un seul des avantages de la sécurité sociale ne soit rogné. Nous défendrons à en mourir et avec la dernière énergie cette loi humaine et de progrès ».

Le rôle d’Ambroise Croizat

Celui que l’histoire officielle essaie d’ignorer.

Il a à charge de présenter et de défendre devant l’Assemblée Nationale en 1946 le projet de loi sur la sécurité sociale. Mais aussi il se bat pendant les deux années de son ministère pour aider à l’implantation et au développement de cet organisme. Il est ministre du travail et ensuite du travail et de la sécurité sociale pendant 28 mois (seul intermède deux mois entre décembre 1946 et janvier 1947).

Il se dépense sans compter. Il s’agit de « bâtir la Sécu ». C’est une œuvre immense avec la mise en place de 138 caisses primaires d’assurances maladies puis 113 caisses d’allocations familiales. Les oppositions sont immenses car les forces d’oppositions à se progrès social sont là. Tout est à créer.

Aussi dit-il le 12 mai 1946 en s’adressant aux travailleurs « La sécurité sociale n’est pas une affaire de lois et de décrets. Elle implique une action concrète sur le terrain, dans la cité, dans l’entreprise. Elle réclame vos mains… »

Ce système décline l’unicité, CROIZAT précise à l’Assemblée le 20 mars 1946 « L’ambition est d’assurer le bien-être de tous, de la naissance à la mort. De faire de la vie autre chose qu’une charge ou un calvaire… », mais aussi l’universalité, la solidarité ou la répartition et la Démocratie une  » exception Française ».

Une action considérable pour un ministre du travail

Dans beaucoup de domaine le ministre communiste du travail intervient, propose et fait voter les lois. Il est d’ailleurs surnommé « le ministre des travailleurs ». Il fait voter entre autre des lois sur les congés payés des jeunes travailleurs, la rémunération des heures supplémentaires (loi du 25 février 1946), l’égalité des salaires entre hommes et femmes, la « caisse de compensations des ouvriers du bâtiment », le renforcement du rôle économique des comités d’entreprises. Avec Marcel PAUL, il se bat pour imposer le statut des mineurs et celui du personnel du gaz et de l’électricité le 22 juin 1946.

Une œuvre sociale pour un ministre du travail comme nous souhaiterions pouvoir en relater d’autres.

Dans une période économiquement difficile, des mesures de progrès qui encore aujourd’hui en dérangent certains. C’est peut être pour cela que le nom d’Ambroise CROIZAT militant communiste et de la CGT est passé aux oubliettes de l’Histoire.

Source : la seule bibliographie sur Ambroise CROIZAT, écrite par Michel ETIEVENT, Ambroise CROIZAT ou l’invention Sociale, Editions GAP, 1999.



Un commentaire

  1. Jacques Lacaze dit :

    Bonjour. Bien évidement, personne ne peut nier le travail immense d’Ambroise Croizat, de Marcel Paul et des autres ministres communistes. Il me parait important de souligner que l’invention – au sens fort du terme – de la protection sociale vient de loin, de 50 années de luttes du syndicalisme. Ces ministres grands dirigeants syndicalistes ont continué et achevé l’oeuvre – à laquelle ils ont d’ailleurs participé très étroitement de construction d’un projet de sécurité sociale etc durant ce demi siècle qui a vu le syndicalisme éclore largement et travailler en profondeur. Un autre élément est aussi à ne pas oublier, élément qui a joué un grand rôle dans la construction du compromis historique de 45 entre De Gaulle ai nom de la bourgeoisie et le PCF et la CGT pour les travailleurs: les milices patriotiques étaient très actives et présente. Ce n’est pas par hasard si De Gaulle a dépensé beaucoup de temps et d’énergie pour les désarmer.
    Ce n’est pas diminuer l’oeuvre du CNR ni des ministres – et syndicalistes – communistes de la Libération que de rappeler que les réformes venaient de loin et s’appuyaient sur cette conjoncture, ce rapport de force exceptionnel. Mais c’est important de le rappeler d’autant que A. Croizat comme M. Paul ont joué dans le mouvement syndical un rôle exceptionnel.
    En tout les cas il est très important de rappeler cette période et d’autant que implanter la sécu sur le terrain a été une véritable et dure lutte. Un vieux camarade syndicaliste du Nord m’a expliqué que le copain de la CGT chargé d’implanter la sécu dans une ville – je n’ai pas le nom sous les yeux – de la région de Maubeuge s’est heurté à une coalition de la bourgeoisie locale et de la municipalité qui a empêché la vente du moindre immeuble pour y installer les bureaux de la sécu. Il a alors installé les bureaux de la sécu dans sa maison et a campé dans les locaux du syndicat avec sa famille. La sécu, les conventions collectives, le statut du mineur de la fonction publique, le code du travail …. de grandes avancées qui viennent de loin, des luttes de plus d’un demi siècle du mouvement ouvrier.

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